Dans un des trois jugements de mainlevée pour lesquels nous avons obtenu hier la mainlevée d’une opposition à mariage ou à transcription de mariage, la question de la tardivité de la saisine du Procureur avait été posée.
Voici la réponse du Tribunal :
« En l’espèce, bien que l’autorité consulaire ait considéré que des indices sérieux émanaient des auditions des époux du xx avril 2021, la saisine du procureur de la République n’est effective qu’au xx juin 2021 [exactement deux mois plus tard], date de réception du dossier par le ministère public. C’est donc bien à partir de cette date que le délai de deux mois commence à courir. L’opposition formée le xx juillet 2021 [3 mois et demi après les auditions] est alors respectueuse du délai imparti, et elle ne peut être considérée comme tardive.
Il n’y a donc pas lieu de prononcer la mainlevée de l’opposition, qui n’est pas conçue par le législateur comme la sanction de l’éventuel caractère tardif de cette dernière. »
Même si le délai de saisine du Procureur dans le dossier en question (deux mois) n’est pas le pire que nous ayons vu et que cela correspondait à un ancien argumentaire de notre cabinet sur la question (nous nous sommes déjà adaptés à la suite d’autres décisions reçues entre-temps) puisque l’assignation datait de février 2022 et que le Procureur ne s’opposait plus à la mainlevée (11 mois donc pour obtenir un jugement là où la loi prévoit 10 jours…), il en ressort que le Tribunal Judiciaire estime que la mainlevée de l’opposition ne serait pas une sanction possible quand le Procureur est saisi tardivement (l’article 171-4 prévoit une « saisine sans délai », ce qui veut dire immédiate). Il faut savoir qu’il considère aussi que la saisine tardive n’est pas non plus une cause de nullité de l’opposition ultérieure.
Il faut tout de même rappeler que le Conseil constitutionnel avait validé la loi ayant introduit l’article 171-4 dans le Code civil parce que le législateur avait prévu des « des délais adaptés » à la situation et « et garanti des recours juridictionnels effectifs contre les décisions, explicites ou implicites, des autorités concernées ».
Evidemment, il n’y aura pas d’appel dans ce dossier puisque la mainlevée a été obtenue, mais le combat continue pour que les autorités et juridictions françaises respectent les délais prévus par le législateur et sans lesquels le Conseil constitutionnel n’aurait à l’évidence pas validé cette loi.
Cela passera par des procédures d’appel, de cassation, de saisine de la Cour européenne des Droits de l’Homme, des questions prioritaires de constitutionnalité et peut-être plus encore par l’engagement de la responsabilité de l’Etat pour les préjudices causés par les délais de procédure inacceptables. Nous ne manquerons pas de le faire à chaque fois que nous en aurons l’occasion.